02 Avr Notre position sur l’IA
Depuis plusieurs mois, nous voyons la montée de l’utilisation de l’Intelligence Artificielle dans notre quotidien, et nous constatons également son émergence dans le domaine de l’art. En tant que maison d’édition qui œuvre pour la création française et l’émergence de nouveaux artistes, nous nous devions d’éclaircir notre position sur l’IA.
Cela fait maintenant plusieurs années que nous travaillons avec des autrices et des auteurs pour développer leurs histoires en manga. Nous travaillons aussi avec des artistes (graphiste, maquettiste, correctrice…) qui mettent leurs talents au service de ces mangas afin de leur donner vie. Et quand est-ce que les mangas prennent vie ? Quand les lecteurs les lisent. Quand ils ressentent des émotions en suivant les personnages et leurs aventures.
Nous croyons que la vocation de l’art est là : faire ressentir des émotions. L’art permet aussi de découvrir de nouveaux univers, des cultures différentes, de réunir les gens, de créer des souvenirs… Bref, l’art nous aide à développer tout ce qui nous rend humain.
Et qui est l’élément central derrière tout ça ? L’artiste.
Ici, nous allons parler de ce qu’on connaît, et donc de nos auteurs de manga. Quand nous choisissons de collaborer avec un auteur sur son manga, c’est parce que nous ressentons qu’il a quelque chose à raconter. Quelque chose d’unique et d’authentique. Pour créer son œuvre, il va partir de sa propre expérience, interpréter la vie et la retranscrire à travers son scénario et ses dessins. En faisant cela, il crée une interaction, ou plutôt une relation avec le lecteur, au travers de laquelle ils vont partager une expérience, des émotions et des sentiments.
Autrement dit, c’est un lien humain qui se crée.
La création par Intelligence Artificielle (IA générative) fonctionne sur un principe simple : elle va créer un contenu (texte, image, vidéo, voix, musique…) en fonction de ce qu’elle a dans sa base de données pour générer une “œuvre” qui soit “vraisemblable” par rapport à ce qu’on lui a demandé. Dans les domaines artistiques, elle va donc voler le travail des artistes qui figurent dans sa base de données, pour composer quelque chose qui ressemble à leur travail. Et puisque c’est un programme, basé sur des algorithmes, l’œuvre, si on peut l’appeler ainsi, est évidemment créée sans émotions, sans passion, sans intention.
Il est évidemment très simple de voir le gain de temps et d’argent qui découle de cette utilisation de l’IA, à savoir pouvoir créer une œuvre “artistique” sans même devoir payer un artiste, ou avoir à attendre le temps nécessaire à la conception artistique. C’est d’ailleurs le choix que font certaines de nos institutions, ou certains de nos confrères, qui utilisent ce service pour remplacer des artistes.
Mais en agissant ainsi, n’oublions-nous pas l’essence même de l’art, à savoir retranscrire l’expérience humaine, la vie, à travers une œuvre ?
Pour nous, la place de l’art n’est pas entre les mains de programmes, de bases de données ou d’algorithmes. Pour nous, l’art doit être entre les mains d’artistes, ou plutôt devrions-nous dire d’humains.
Notre position sur le sujet est donc très claire : nous nous opposons fermement à l’utilisation de l’IA générative dans l’art.
À notre échelle et dans notre domaine, cela veut dire qu’aucun de nos contenus ne sera généré par IA. Que ce soit au niveau de la maison d’édition (communication, promotion, visuels, vidéos…) ou de nos mangas (couvertures, planches, scénarios…). Dans les contrats que nous passons avec nos prestataires et avec nos auteurs, nous mentionnons d’ailleurs la non-utilisation de cette technologie pour s’assurer que cela soit partagé par toutes les personnes avec qui nous travaillons.
La seule utilisation qui en a été faite était donc hier, pour un fameux poisson d’avril (nous annoncions un nouveau manga généré entièrement par IA). Cette publication nous a d’ailleurs permis de constater qu’en plus d’avoir beaucoup d’humour, notre communauté défendait nos valeurs et partageait nos inquiétudes sur cette technologie.
Alors oui, cela prend du temps, nécessite de rémunérer les artistes, de verser des droits d’auteur, peut parfois laisser la place à des erreurs. Mais c’est une aventure humaine, que nous décidons de vivre ensemble pour partager notre passion et dans laquelle chacun apporte sa sensibilité, son expérience, son talent et ses imperfections.
Encore une fois, travailler dans l’art, c’est travailler avec des humains pour d’autres humains.
Avec les éditions Kippon Dream, vous êtes donc assurés d’avoir des mangas 100 % créés par des humains (traduisez “sans IA”), à toutes les étapes du processus de la conception artistique.
Nous ajouterons d’ailleurs ce logo conçu par Laukis (assistante de Charlotte Joriot sur notre série Allégoria) dans tous nos mangas.
Il nous semblait nécessaire d’éclaircir notre point de vue, et seulement notre point de vue. L’IA a de nombreux bénéfices, dans de nombreux domaines, mais son utilisation afin de générer du contenu dans l’art est contre nos valeurs et notre fonctionnement. Et même si cela est une question de lois qui, espérons-le, arriveront un jour, l’utilisation de l’IA générative est l’affaire de tous, donc nous avons chacun le pouvoir de décider de l’utiliser, la promouvoir, la laisser passer ou non.
Comme nous avons tous le pouvoir de soutenir des artistes et leur travail.

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