27 Sep LUPIN III – LA LIBERTÉ SELON UN GENTLEMAN CAMBRIOLEUR
Avec le succès mondial de la série Netflix « Lupin« , le célèbre gentleman cambrioleur inventé par Maurice Leblanc en 1905 se retrouve sur le devant de la scène. Loin d’être une adaptation du roman, la série suit la quête de vengeance d’un cambrioleur parisien, joué par Omar Sy, particulièrement passionné d’Arsène Lupin. Toutefois, cette série n’est pas la seule à s’être largement inspirée de l’œuvre de Maurice Leblanc.
En 1967, un autre gentleman cambrioleur fait son apparition au pays du Soleil levant, sous la plume de Monkey Punch et changera à jamais le manga et la japanimation : Lupin III.
Et avec la sortie le 17 septembre, chez Kana éditions, d’une anthologie Lupin III éditée pour la première fois en France, on ne pouvait que revenir sur l’histoire de ce personnage qui a révolutionné le monde du manga.
LA GENESE DE LUPIN III
Expliquer Lupin III, c’est aussi compliqué que d’essayer de voler la Joconde. Le concept est pourtant simple : Lupin III c’est un gentleman cambrioleur, comme le héros des romans de Maurice Leblanc dont il a hérité le nom. Mais là où l’on touche la face complexe de la pièce, c’est dans le très large et méandreux univers médiatique qu’a engendré ce si simple concept : plusieurs mangas, plusieurs films, plusieurs séries animées, des OAV et même une pièce de théâtre ! Et ça fait plus de 50 ans que ça dure.
Notre histoire commence en 1967 lorsque Kazuhiko Kato est choisi comme artiste clé d’un nouveau magazine de prépublication de manga, le Weekly Manga Action, majoritairement destiné aux jeunes adultes. Se souvenant du plaisir qu’il avait en lisant les aventures d’Arsène Lupin, le jeune auteur décide d’adapter l’histoire avec son style personnel pour une audience plus moderne : Lupin III, petit-fils d’Arsène Lupin, est né.
Très inspiré par certains dessin-animés et comics occidentaux comme le très connu MAD magazine, le dessin de Kazuhiko Kato tranche complètement avec le style des autres mangakas japonais de l’époque. Et le choix d’utiliser un personnage principal d’origine française rend son travail unique et difficile à distinguer d’un style étranger pour le lectorat japonais. Dans l’idée d’accentuer ce petit côté « charme étranger », l’éditeur de Kazuhi Kato lui propose de prendre un nom de plume afin de dissimuler ses origines japonaises : Monkey Punch. Kato, peu fan du nom qu’il trouve ridicule, accepte pensant que la série serait uniquement temporaire. Plus de 50 ans après, Lupin III existe toujours et Monkey Punch aura gardé son nom de plume jusqu’à sa mort en 2019.
Le manga devient rapidement un immense succès, malgré son style très inhabituel pour le lectorat japonais. L’œuvre et son protagoniste sont devenus particulièrement célèbres, et firent l’objet de nombreuses adaptations animées en série et en films, et ce encore à ce jour. Lupin est devenu un personnage iconique du studio d’animation TMS Animation et a vu passé certains des plus grands de la japanimation : Hayao Miyazaki, Isao Takahata, Takeshi Koike, Yuji Ohno…. Et bien que les séries aient été importées à l’étranger, et même doublées, la franchise reste peu connue en dehors du Japon et de l’Italie.
Êtes-vous prêt à plonger dans l’univers saugrenu et extravagant de l’œuvre de Monkey Punch ? Lupin III va-t-il voler votre cœur comme il l’a fait avec moi ?
UN CONCEPT SIMPLE : DES PERSONNAGES HAUTS EN COULEUR
L’histoire nous narre les aventures du plus grand voleur du monde et de ses compagnons. Et c’est… à peu près tout. Cinq personnages charismatiques récurrents des situations absurdes pleines de fun, et vous avez la recette du succès de Lupin III. L’univers de Lupin III ne repose pas sur des intrigues compliquées ou profondes, mais uniquement sur ses personnages. Ce ne sont pas les actions de ces personnages qui nous intéressent mais comment ils les réalisent : on regarde ou on lit Lupin III davantage pour suivre le voleur et les membres de son gang, avec leurs personnalités farfelues et leurs interactions, plus que pour suivre une histoire de cambriolage. Les personnages de Monkey Punch se suffisent à eux-mêmes et cela offre une liberté incroyable et quasi illimité d’histoires. Cela peut aller d’un récit de cambriole amusante à une histoire un peu graveleuse de détective genre roman noir en passant par une plongée surréaliste dans une histoire surnaturelle ou parfois très absurde.
Tant que vous aimez l’aventure, il y aura un épisode ou un chapitre de Lupin III pour vous.
Lupin III
Si Lupin peut paraitre à première vue un peu stupide, extravagant et lubrique, il est en réalité très intelligent, possédant une imagination brillante et une connaissance approfondie d’une centaine de sciences différentes. Lupin III cherche le frisson en essayant de s’emparer des trésors les plus inaccessibles de la planète. Même si c’est un voleur, il a des principes et des convictions et un côté un peu looser qui le rendent très attachant. Maître du déguisement, il aime les gadgets un peu absurdes et a surtout une immense faiblesse pour la gente féminine, notamment la belle et insaisissable Fujiko Mine. Lupin a aussi deux partenaires qui l’aident dans tous ses coups : Jigen et Goemon.
Fujiko Mine
Femme fatale par excellence, Fujiko Mine aime particulièrement manipuler le voleur afin de lui soutirer ses plus beaux trésors. Elle aime sûrement plus les diamants que n’importe quoi d’autre au monde et n’hésite pas à jouer de ses charmes pour parvenir à ses fins. En dehors de sa plastique de rêve, c’est aussi une guerrière et une femme très intelligente et indépendante.
Jigen
Véritable bras droit de Lupin, Daisuke Jigen est un tireur d’élite exceptionnel, ne se séparant jamais de son magnum et de son chapeau. Il accompagne Lupin absolument partout, même s’il passe son temps à critiquer l’attirance du célèbre voleur pour les belles femmes et spécifiquement envers Fujiko dont il se méfie particulièrement. Amateur de bon alcool, de costume de luxe, et grand fumeur (au moins une bonne soixantaine de cigarettes par jour), il est le seul à pouvoir remettre Lupin sur le droit chemin lorsque celui-ci s’embarque dans des affaires un peu trop alambiquées. Malgré sa façade bourrue, Jigen a un sens de l’humour très satirique tout en étant prêt à tout faire pour aider ses compagnons.
Goemon
Ishikawa Goemon XIII est un samouraï très attaché aux traditions japonaises (notamment en ce qui concerne la nourriture) et à ses valeurs. Armé de son katana, le Zantetsuken, il est capable de trancher n’importe quoi avec une précision imbattable. Goemon assiste Lupin à chaque fois que ce dernier travaille pour une « juste cause » mais n’hésitera pas à s’opposer au maître des voleurs lorsque ses actions ne sont pas en accord avec ses valeurs. Lorsqu’il n’aide pas Lupin, il passe son temps à s’entraîner, afin de devenir encore plus fort. Peu doué avec la technologie, il est souvent en décalage avec son époque ou avec les autres, ce qui le transforme en véritable support comique pour la série.
Zenigata
Lupin est constamment pourchassé par l’inspecteur Koichi Zenigata, membre d’Interpol dont l’unique but dans la vie est de mettre Lupin sous les barreaux. Véritable Némésis de Lupin, très talentueux même si un peu maladroit, il fera tout pour empêcher Lupin de nuire, sans jamais vraiment y arriver. Professionnel du lancer de menottes et au sens de la justice imbattable, il se retrouve cependant souvent à devoir collaborer avec sa cible pour arrêter un méchant bien plus dangereux que Lupin.
Résumer la richesse et la profondeur de cette bande de personnages tous plus hauts en couleur les uns que les autres en quelques lignes et presque impossible. Ils sont tous suffisamment distincts, mais savent rester simples pour que l’on puisse les comprendre en quelques secondes. Et l’écriture est souvent suffisamment nuancée pour qu’on les sente comme des personnages pleinement réalisés. Ils ont tous ce côté un peu stupidement attachants et charismatiques qui en font de parfait anti-héros. Excepté Zenigata, les membres du gang de Lupin sont des criminels recherchés dans le monde entier, mais ce ne sont pas de vrais méchants (dans le sens moral). Toutefois ce ne sont pas de bonnes personnes non plus. Même s’ils volent principalement des personnes riches et non dans le besoin, ils restent des voleurs, n’hésitant pas à extorquer ou à tuer pour parvenir à leurs fins.
L’une des forces de la franchise Lupin III est de voir les multitudes de facettes que peuvent prendre ses personnages au fil des différentes adaptations. On aime les voir traîner ensemble comme une bande de potes faisant des trucs un peu fous. Mais on aime aussi les voir dans des moments plus épiques avec plus de tension.
On voit le gang grandir, avec des débuts un peu naïfs où seul compte le frisson de l’action. Puis, on les voit faire face à un monde qui évolue constamment, et pas forcément dans la direction qui les arrange le plus. On les voit parfois remettre en question leurs croyances, leurs professions ou même eux-mêmes. On voit comment évoluent leurs relations, comment elles se développent tout en conservant leurs personnalités et un humour absurde.
Comme dit précédemment, la recette de Lupin III est simple : il suffit de tomber sous le charme de ces personnages. Et pour notre plus grand plaisir, on a 50 ans de contenu particulièrement diversifié à se mettre sous la dent.
LE LUPIN DE MONKEY PUNCH
Encore jamais édité en France jusqu’à ce mois de Septembre, l’œuvre de Monkey Punch marque par son style très inhabituel pour un manga. Comme les séries animées, le manga de Lupin III est composé de petites histoires mettant en scène Lupin et son gang dans différentes aventures et surtout galères, en compagnie d’une multitude de personnages tout aussi originaux, présents seulement pour quelques chapitres, voir un unique chapitre.
Le manga s’adresse aux jeunes adultes et aborde de nombreux thèmes peu courants dans les mangas de cette période. Lupin III est sexy, violent, transgressif, rock’n’roll et le sang et l’alcool coulent à flot. Le trait est rude, à l’encrage très marqué et peut même parfois sembler brouillon. On est plongé dans une ambiance sombre et pleine de tension rappelant les polars noirs des années 60. Les personnages sont charismatiques, super expressifs et possèdent une énergie assez unique. Des hommes toujours élégants, en costards et “la clope au bec”, avec des barbes ou des rouflaquettes sur des visages très caricaturaux et des femmes aux formes généreuses, on est loin des stéréotypes des personnages de manga de l’époque. Le style graphique de Monkey Punch est puissant et on se surprendra souvent à rester en admiration devant certaines planches ou cases. Toutefois, c’est l’humour un peu absurde et très cartoonesque qui fera le succès de la franchise, Monkey Punch n’hésitant jamais à ridiculiser ses personnages, surtout Lupin. Le manga Lupin III transpire la passion de son auteur pour les films occidentaux et pour MAD magazine, un magazine satirique américain.
Le manga de Lupin III est la parfaite réflexion de la révolution sociale et culturelle du japon des années 60, amenée par les nouveaux contacts avec l’ouest.
Pour des étudiants coincés dans une société japonaise encore très rigide et obsolète, lire Lupin III c’est plus qu’un divertissement, c’est un acte de rébellion.
Il existe plusieurs séries manga de Lupin III, mais seulement 2 ont étaient écrites et dessinées par Monkey Punch : Lupin the 3rd (1967-1972) et Shin Lupin III (1977-1981). Les autres séries ont été réalisées par d’autres auteurs sous la supervision de Monkey Punch, dont une dessinée par des auteurs italiens. En effet, l’Italie compte la plus grosse communauté de fans de la licence, après le Japon. N’étant pas traduits en français et l’édition anglophone n’étant plus réimprimée, les mangas sont malheureusement particulièrement durs à trouver… Toutefois, avec la sortie chez Kana de l’anthologie, on a bons espoirs de voir un jour le reste de la licence être éditée chez nous !
Réservées à un public averti, je vous conseillerai la lecture des histoires courtes de la série Sexy Lupin III, qui comporte des scènes de tendresse particulièrement graphiques.
DES DÉBUTS MOUVEMENTÉS EN ANIMATION
Avec le succès du manga, il ne faut pas longtemps pour que Lupin III fasse son chemin vers le petit écran, sous la patte de Masaaki Osumi. Avec son directeur de l’animation, Yasuo Ôtsuka, ils souhaitent se rapprocher de l’ambiance et du character design du manga d’origine. Les premiers épisodes sont sombres, avec une Fujiko très sexy, des meurtres… Lupin et ses acolytes ont du sang sur les mains, et ce ton mature ne permet pas à la série de trouver le succès escompté, notamment auprès du jeune public. La production prend alors un virage à 180 degrés à partir de l’épisode 8. Osumi laisse sa place à deux jeunes coréalisateurs débutants tout juste dans la profession : Hayao Miyazaki et Isao Takahata, deux noms qui ne vous sont sûrement pas inconnus. Après tout, ils deviendront un peu plus tard les fondateurs du célèbre studio Ghibli.
À partir de ce moment, Lupin devient tout public. Lui et ses acolytes ne tuent plus et ils deviennent plus colorés et fantaisistes. La série trouve alors son succès et si Lupin devient bien plus édulcoré que dans la version de Monkey Punch, il ne perd pas son essence originelle : celle d’un gentleman cambrioleur, ayant toujours un coup d’avance sur ses détracteurs.
DES SUITES FRUCTUEUSES
Le Lupin sexy et violent de Monkey Punch laisse alors sa place à celui plus édulcoré posé par Miyazaki et a des aventures avant tout humoristiques. Cette première série lancera véritablement la licence comme un classique de la japanimation, ce qui influencera nombre de manga et d’anime.
À la suite de cette première série (1971 – 23 épisodes), référencée comme la Partie 1 et reconnaissable par la veste verte de Lupin, 5 autres séries d’animations suivront ainsi qu’une quarantaine de film, téléfilms et OAV.
Chaque nouvelle œuvre offre une vision différente de l’univers de Lupin III et de ces personnages, il arrive très souvent qu’elles se contredisent entre elles ou avec le manga, notamment au niveau de l’origine des personnages. Rien n’est réellement canon dans l’univers de Lupin III. Ces différentes adaptations sont de qualité très variable, autant au niveau de l’animation que de la narration, passant de bof à excellent en touchant parfois le très mauvais. Un avantage cependant, l’univers de Lupin III ne dispose d’aucune chronologie. Selon les goûts de chacun on peut commencer vraiment n’importe où ! Un vrai soulagement au vue du nombre d’épisodes qui se rapproche des 300.
La fin de la Partie 1 posera les bases de l’univers et le ton humoristique qui seront alors repris dans la majorité des suites et films. Certains méchants iconiques de la série font leur apparition comme Mamo Kyosuke ou Pycal, et on les retrouvera par la suite dans d’autres œuvres. Si cette partie a un peu mal vieilli, elle a beaucoup de charme et mérite un visionnage.
En 1977, Lupin III revient sur le petit écran avec la Partie 2 (155 épisodes), reconnaissable par la veste rouge de Lupin. C’est la version la plus connue de Lupin. Très humoristique voir cartoonesque, Lupin passe son temps à se déguiser et à créer des gadgets alambiqués pour humilier ces victimes.
Cette partie est marquée par l’arrivée du compositeur Yuji Ohno sur la franchise qui composera le célèbre thème de Lupin III et donnera cette ambiance musicale un peu jazzy désormais indissociable de la série. Yuji Ohno signera alors l’une des bandes originales les plus iconiques de la japanimation.
C’est avec cette série que Lupin s’exportera à l’étranger et notamment en France. Les 52 premiers épisodes seront doublés en français et diffusés à partir de 1985 sous le nom « d’Edgard de la Cambriole« , notamment à cause de problèmes de droits liés aux romans d’Arsène Lupin de Maurice Leblanc. Les personnages sont donc renommés à la française : Lupin III devient Edgard de la Cambriole, petit-fils de Gaspard de la cambriole (on est d’accord c’est beaucoup moins classe qu’Arsène lupin), Jigen s’appelle désormais Isidiore, Zengigata devient l’inspecteur Lacogne, Fujiko est renommé Magalie et Geomon se change en Yokitori (et là, il va falloir qu’on m’explique). La France n’est pas le seul pays ayant fait face au problème, et Lupin sera ainsi renommé Wolf, Vidocq, Rupan et même Cliffhanger dans certains pays. En vérité, le doublage français de Lupin III fut un véritable capharnaüm. Il existe par exemple 3 doublages du même film : le Château de Cagliostro où Lupin porte un nom différent à chaque fois. On a même des mixes d’adaptation, dans un même épisode : Jigen peut s’appeler Jigen mais Fujiko porte le nom de Magalie. Et si les versions françaises ont leur charme, on s’y perd vite entre tous ces noms….
En 1984, la saga continue avec la Partie 3 (50 épisodes). Dans cette dernière Lupin y porte une veste rose et le style graphique change complètement des parties précédentes : on est plus proche du cartoon américain avec des personnages hyper expressifs aux mouvements exagérés et un peu stupides. Cette partie est la moins connue de toutes et divise beaucoup les fans. Certains adorent, d’autres détestent. Si la série commence avec un style très réaliste et plus adulte, celui-ci va subitement prendre la direction de la simplicité et de l’humour, parfois assez absurde, faute de succès.
Si le style d’animation ne vous rebute pas, certains moments sont assez sympas et drôles, notamment dans les 15 premiers épisodes.
LE RENOUVEAU DE LA LICENCE
En 2012, pour fêter les 40 ans de la Partie 1 et dans une volonté de relancer la franchise, un nouvel animé de l’univers de Lupin III sort au Japon : Une femme nommée Fujiko Mine.
La série de 13 épisodes brise les précédents codes de la saga. Pensée comme un prequel à toutes les autres parties, les épisodes ne sont plus indépendants mais se suivent autour de l’aventure de Fujiko. Pour la première fois, Lupin III passe au second plan offrant les projecteurs sur Fujiko Mine, son acolyte féminine. L’animé est un vrai hommage à l’œuvre de Monkey Punch : c’est le retour du Lupin violent, vicieux et sexy et de l’ambiance noir et érotique du manga original. La série s’adresse à un public averti, les scènes de nudités sont omniprésentes et pas mal de moments peuvent choquer psychologiquement. Réalisée par Sayo Yamamoto, qui sera connue plus tard pour Yuri on Ice, la série redéfinit le personnage de Fujiko Mine, saluant sa liberté et son émancipation de la gente masculine. Takeshi Koike (Animatrix, Redline) en charge du character design retourne au trait original et haché de Monkey Punch. L’ambiance de l’animé est très particulière avec son style graphique très stylisé, accentuant par des hachures à l’écran et son scénario bourré de symbolique et de mise en scène à couper le souffle
Une femme nommée Fujiko Mine marquera à jamais la saga Lupin et la fera entrer dans une nouvelle ère.
Trois films réalisés par Takeshi Koike feront suite à la série : Le tombeau de Daisuke Jigen, La traînée de sang d’Ishikawa Goemon et Le mensonge de Fujiko Mine.
Cette série n’est vraiment pas destinée à tout le monde, mais c’est un réel bijou d’animation qui vaut le coup d’œil.
Pour remercier les fans italiens de la série, le studio TMS lance une nouvelle série en 2015 : La Partie 4 aussi appelé L’aventure Italienne (26 épisodes) reprend le format des premières séries en adoptant des épisodes indépendants, mais liés par un fil rouge. De nouveaux personnages récurrents à plusieurs épisodes de cette partie font leur apparition comme la belle et tumultueuse Rebecca et son majordome ainsi qu’un agent du MI6. Dans cette partie, Lupin III adopte une veste bleue. Moins axée sur l’humour que ses prédécesseuses, la série reste très drôle et les moments de tension et de remise en question des différents personnages sont très appréciables. Avec son animation à la fois de très bonne qualité et moderne, c’est sûrement la partie la plus accessible pour découvrir l’univers de Lupin.
En 2018, la dernière partie de la saga (à ce jour) sort : La Partie 5 (24 épisodes). Celle-ci revient aux sources du personnage de Lupin III, se déroulant dans le pays de son ancêtre, la France. Suite directe de la partie 4, les deux séries partagent un ton et un style graphique similaires. Elle n’en reste pas moins très différente et l’univers de Lupin III se retrouve de nouveau bouleversé. La série semble presque pensée comme une conclusion à la saga et fait référence aux grands moments de la vie de Lupin. Elle aborde nombre de thèmes intéressants comme l’identité et l’image de Lupin mais aussi les relations entre les différents protagonistes. La relation entre Lupin et sa dulcinée Fujiko prend une tournure encore jamais vue, et est particulièrement intéressante. L’histoire nous dépeint ainsi un Lupin un peu dépassé par un monde où la technologie est omniprésente, ce qui complique grandement sa carrière de voleur. La série suit ainsi une trame narrative principale, entrecoupée d’épisodes faisant référence aux parties précédentes, alternant avec de bons moments passés entre les membres du gang. Ce qui peut être regrettable, c’est le manque d’exploitation de certains nouveaux personnages, comme Albert ou Amy, qui avaient beaucoup de potentiel. Le soin apporté aux détails concernant la France, notamment au niveau des paysages et de l’architecture, de la nourriture (la suprématie des galettes) mais aussi de la politique française est néanmoins remarquable. Le président Macron, l’extrême-droite, le terrorisme, la corruption : tout est là. Plus que jamais, la partie 5 est le témoin de son époque. Tout en restant fidèle à la saga, la série décrit le monde actuel d’une façon assez juste sans tomber dans le cliché.
Tout au long de son existence, la série Lupin n’aura cessé de se renouveler et bon nombre de ces œuvres marqueront l’histoire de la japanimation. Si les protagonistes ne vieillissent pas, ils arrivent toujours à s’ancrer dans le temps présent sans paraître démodés. Et les anciennes séries possèdent ce charme un peu étrange qui donne toujours le sourire au visionnage, même 30 ou 40 ans après leur parution. Monkey Punch a su créer des personnages forts et solides qui peuvent traverser les époques tout en restant les mêmes.
Une sixième partie est actuellement en production et devrait sortir en octobre 2021.
LE LUPIN DE MIYAZAKI
Comme beaucoup, c’est le film du Château de Cagliostro réalisé par Hayao Miyazaki en 1986 qui fut ma porte ouverte sur l’univers de Lupin III. J’ai grandi avec les films de Miyazaki et ceux du studio Ghibli. Je les ai tous vu et même plusieurs fois chacun. Et pourtant, il me restait encore ce film un peu inconnu à voir. J’ai beaucoup repoussé son visionnage, peu intrigué par l’histoire et sûrement par peur de ne plus rien avoir de nouveau à découvrir de la filmographie du grand Miyazaki. Et puis un soir j’ai tenté.
Le film commence avec le cambriolage d’un casino. Mais juste après la réussite de leur coup, Jigen et Lupin se rendent compte que tout l’argent qu’ils ont dérobé est en réalité de la fausse monnaie. Ils décident alors de se diriger vers le petit pays de Cagliostro, la source de la fausse monnaie selon les rumeurs. À peine arrivés dans le pays, Lupin et Jigen se retrouvent à porter secours à la mariée du comte de Cagliostro, Clarisse, alors qu’elle tente d’échapper à son mariage forcé. Après que la jeune fille s’est fait kidnapper à nouveau par le comte, Lupin décide de sauver la belle et d’exposer au grand jour la contrefaçon d’argent.
Dans ce film, Miyazaki se réapproprie le personnage de Lupin et son univers. Il devient plus humain, penchant plus du côté du véritable héros insouciant au grand cœur que du côté de l’anti-héros que l’on connaît habituellement. Au contraire des différentes séries animées, Lupin est moins pervers, plus mature et pense avant tout à aider les autres plutôt que de voler. Si le film conserve la décontraction et l’humour du matériel original, il se mêle avec cette ambiance onirique, un poil romantique et fantastique dont Miyazaki a le secret. Lupin devient sensible, parfois troublé par ses souvenirs ou ses états d’âme, et même dépassé par la situation, du jamais vu encore dans la licence. Bien sûr ça ne dure jamais longtemps, notre cambrioleur préféré déjouant vite tous les obstacles.
Le film est très bon et reste un classique incontournable pour tout fan de japanimation. Il dissémine aussi nombre de pistes que l’on retrouvera dans les futures réalisations de Miyazaki, autant dans l’animation que dans la narration.
Le réalisateur japonais s’occupera par la suite deux autres épisodes de la Partie 2 (sous le pseudonyme de Terekomu), souvent considéré comme les meilleurs de cette partie : le 145 « Shi no Tsubasa Albatross » et le 155 « Saraba Itoshiki Lupin yo« . Les deux épisodes sont fascinants tant sa patte est reconnaissable : la fluidité de l’animation, les expressions, la mise en scène, les mouvements jusqu’à la thématique. Tout sent le Miyazaki.
Dans l’épisode 145, on se retrouve avec une thématique centrale autour de l’aviation, et une Fujiko particulièrement épique. Le 155 fait penser à un véritable prototype pour toute sa filmographie : l’héroïne, Maki, fait fortement penser à Nausicaa, on y retrouve le robot symbolique du Château dans le ciel et un fort message pacifique. Épisode final de la Partie 2, il est prenant, très touchant et magnifiquement réalisé.
QUELQUES RECOMMANDATIONS
Si je voulais parler des films ou des téléfilms (TV Specials), il me faudrait au moins une dizaine de pages supplémentaires, et je ne suis pas sûr que ce soit vraiment très intéressant… De plus ceux-ci sont vraiment de qualité variable, alors je me contenterais de vous en conseiller quelques un, en plus du Château de Cagliostro et de la trilogie de Koike.
– Le secret de Mamo (1978) : 1er long métrage de la saga et le préféré de Monkey Punch. Lupin III y affronte Mamo, l’un des méchants les plus emblématiques de la licence, qui est à la recherche de la vie éternelle. Bourré de références notamment à l’histoire de l’art, mais à la fois aussi très sombre et très comique, ce film est une œuvre majeure de l’univers de Lupin III.
– Le complot du Clan Fuma (1987) : Grand oublié de la licence, ce film se veut la suite spirituelle du Château de Cagliostro, avec bon nombre d’animateurs de retour. Le ton et l’animation y sont similaires, et le film est très bon. On y suit les aventures de Lupin et de son gang pour sauver Murasaki, la fiancée de Goemon aux prises avec un clan ninja. Cependant le film est maudit : le casting habituel de la série ne pouvant pas être appelé pour des raisons budgétaires, le public japonais boude le film, qui tombe dans l’oubli.
– Tokyo Crisis (1998) : mon préféré. On y suit Lupin cherchant à mettre la main sur un trésor, malgré un Jigen et un Goemon hors service, et un Zenigata toujours aussi obstiné. Le film est drôle, comportant pleins de petits moments pépites entre les différents personnages.
– Dead or Alivre (1996) : unique film réalisé par Monkey Punch lui-même. Le film est l’un des plus matures et violents, très proche du manga original. Cependant sa production fut chaotique, le mangaka ayant eu beaucoup de problèmes ne réalisera finalement que le début et la fin. Conséquence directe de cette naissance chaotique, le film est rempli de défauts, même s’il comporte beaucoup de bonnes idées scénaristiques, graphiques et de mise en scènes.
– First Contact – Episode 0 (2002) : le film raconte la première rencontre entre les différents membres du gang, ou du moins une version alternative. L’animation n’est pas particulièrement exceptionnelle mais le film est très sympa.
– Lupin III : The First (2019) : premier film de la licence en CGI ! Si l’histoire est assez basique et prévisible, le film est purement magnifique avec de très belles scènes d’action. Surement l’une des plus belles réussites de la japanimation en CGI de ces dernières années. On a même eu le luxe de le voir sortir au cinéma, en France !
– La série de films de Takeshi Koike (Le tombeau de Daisuke Jigen, la coulée de sang de Ishikawa Goémon, et le mensonge de Fujiko Mine) : une direction artistique incroyable, une bande originale inoubliable, les films sont dans la même tonalité que la série Une femme nommée Fujiko Mine. L’univers y est plus sombre, teinté d’étranges méchants et Lupin et ces compagnons clairement ambiguës. A ne pas manquer, mais à éviter pour les âmes trop sensibles !
UN HYMNE À LA LIBERTÉ
Si l’œuvre de Monkey Punch et la franchise qu’elle a engendrée a toujours eu une volonté avant tout humoristique, elle n’est pas dénuée de signification et de messages. Lupin III est une série qui m’a fait grandir. Voir la série évoluer avec son époque et son public, mais surtout observer comment ses différents personnages se développent au cours du temps et des épreuves qu’ils traversent, comment ils font face aux difficultés et aux doutes sur leurs existences et leur profession m’a permis d’être moins anxieuse quant au fait de devenir adulte.
L’univers de Lupin est rempli de drames et de crimes explosifs, de tragédies profondément émotionnelles et de gens imparfaits. Elle aborde des thèmes matures, parfois même très durs, et très différents de la majorité des autres mangas actuels tout en restant amusante. Aussi vieille soit-elle, elle est rafraîchissante. En tant que spectateur, on rit en regardant les différents personnages affronter leurs péripéties et les situations absurdes dans lesquelles ils se plongent. Mais nous ne sommes pas les seuls. Les personnages eux-mêmes rient de leurs aventures. On ne peut compter le nombre de fois où Lupin et ses compagnons éclatent de rire, notamment après un moment particulièrement tendu, stressant ou dramatique. Ils sont vivants, sont heureux de l’être et ça leur suffit. Et ils le montrent en riant.
En réalité, on tient sûrement là le message le plus important de Lupin III : être heureux d’être en vie, c’est peut-être ça la véritable liberté.
En effet, bien que Lupin soit un voleur et qu’il parcourt le monde à la recherche de trésors inestimables, sa cible finale n’est pas la richesse. Pourtant, Lupin III est le genre d’homme qui peut obtenir absolument tout ce qu’il désire. Mais ce qu’il recherche véritablement c’est la liberté absolue et le frisson qu’elle apporte.
Lupin III est un hors-la-loi, amoureux des plaisirs de la vie, et qui se fiche de toute oppression que pourrait lui engendrer la société. Fier de son nom et de son héritage, ce n’est pourtant pas pour devenir célèbre qu’il revendique tous ses coups, comme en prévenant la police par une petite carte à l’avance, mais pour se rajouter du challenge. Lupin III n’a aucun but dans la vie que d’être libre et de s’amuser. Il continue inlassablement la poursuite des plus beaux trésors pour expérimenter toujours plus de frisson et de joie. Il flirte avec l’illégalité pour se sentir vivant et libre.
Dans le film « Le secret de Mamo », le méchant enchaîne Lupin à une étrange machine qui sonde son subconscient. Mais surprise, l’esprit du voleur est complètement vide. Lupin III ne rêve pas. Il n’a aucun but, aucune ambition. Lupin III n’as pas réellement de travail, être un voleur c’est simplement sa nature et sa façon d’exprimer sa personnalité. Il n’agit que par pure divertissement. Il n’a besoin de rien car l’instant présent lui suffit amplement. Lupin est donc complètement libre.
Et tous les personnages de la série incarnent une forme de liberté. Fujiko Mine cache derrière son désir insatiable des plus beaux bijoux sa quête pour une liberté véritable et une émancipation complète. Fujiko joue avec son corps et ses charmes non pas parce qu’on lui demande, mais parce qu’elle le veut et y prend du plaisir. Jigen, bien que râlant tout le temps, à trouver son idéal de vie auprès de Lupin : du frisson mais surtout des amis, de la compagnie et du soutien. Sa liberté à lui c’est d’être là pour ses amis et de savoir qu’ils seront aussi là pour lui. Geomon est quant à lui toujours à la recherche de défi, de challenge et des solutions qu’il lui faudra trouver pour les surmonter.
Même notre inspecteur préféré au grand cœur, Zenigata, que l’on pourrait voir comme l’opposé de Lupin incarne sa propre forme de Liberté. Ce dernier représente les institutions et ses conventions. Salarié d’Interpol, il exécute les ordres et croit au système. Il a juré de mettre Lupin sous les barreaux pour accomplir son devoir de policier et pour faire respecter la justice. Pourtant, cela ne l’empêche de désobéir aux ordres lorsqu’ils ne sont plus en accord avec ses valeurs, et même de collaborer avec Lupin quand il faut préserver le plus grand nombre. Le but de la vie de Zenigata est Lupin III. Pouvoir pourchasser inlassablement Lupin, au point de souhaiter au fond de lui que le voleur ne se retrouve jamais emprisonné, c’est la liberté que Zenigata a choisi. Car en pourchassant Lupin, Zenigata se sent entier, vivant et libre.
La saga Lupin III est en réalité un hymne à la recherche des libertés individuelles, une invitation à faire ce qu’il nous plaît et à nous amuser, une invitation à rire à à gorge déployée après chaque épreuve.
Lorsque je regarde à nouveau cette saga avec cette idée en tête, les aventures fantastiques et absurdes de ses personnages loin d’être parfaits résonnent différemment. Lupin et son gang, aussi stupides soient ils, deviennent plus humains, et je les aime encore davantage.
Si Lupin III m’a volé mon cœur, il m’a offert les pistes vers la liberté.
Ainsi, j’aimerais vraiment beaucoup vous inviter à découvrir l’œuvre que ce soit en animation ou en manga. N’hésitez pas à vous jetez sur l’anthologie éditée par Kana qui regroupe plusieurs très bons chapitres de l’œuvre de Monkey Punch, une super porte d’entrée dans cet univers. De plus, si l’anthologie marche bien, cela pourrait ouvrir la voie à l’édition des autres œuvres du mangaka en France.
Article écrit par Unico
Hervé Brient
Posted at 11:02h, 01 octobreMerci pour ce long et complet, bien documenté, expliquant très bien ce qu’est la franchise Lupin. Ce billet aurait dû se trouver dans l’anthologie de Kana. Mais pour ma part, j’en reste à mon impression première : le manga est « stupide, extravagant et lubrique » (et comme je déteste l’animation japonaise grand public…), ça se fera donc sans moi 🙂
Kippon Dream
Posted at 11:08h, 01 octobreMerci d’avoir lu notre article et merci pour ce commentaire ! N’hésitez pas à nous suivre sur les réseaux sociaux pour connaître notre actualité et prochains articles. Par curiosité, et pour nous guider aussi pour la suite, dîtes-nous sur quel manga vous souhaiteriez lire un article comme celui-ci ? Bonne journée
Hervé Brient
Posted at 12:29h, 01 octobreJe suis abonné au site WordPress, ça me suffit (je déteste les réseaux sociaux) 🙂 Et je n’ai pas de demande concernant d’autres mangas. Désolé, je me contente de suivre quelques wordPress spécalisés, ça me suffit 🙂
Kippon Dream
Posted at 12:31h, 01 octobrePas de soucis merci en tout cas pour la lecture et le retour !